En 2015, après quelques intermittences picturales entre deux projets pédagogiques particulièrement intenses et dévorants, je reprenais l'usage de mes mains, les brosses et un format connu, le carré de contreplaqué de 120 par 120.
De 1999 à 2008, j'avais peint sur 72 de ces surfaces "la Genèse en-tête, l'apocalypse en cours". (https://lasmaf.squarespace.com/blog/2015/9/4/gense-en-tte-apocalypse-en-cours) (https://lasmaf.squarespace.com/portfolio/#/la-genese-en-tete/). Déjà se posait la question de l'engendrement de l'être, de la recherche d'une identité, de soi, du monde et de sa représentation. Et aussi de la mémoire, celle que l'on véhicule par sa culture ou que l'on fabrique par ses expériences vécues, intangibles le plus souvent et impermanente, selon un processus d'invention perpétuel, un agencement du plausible et surtout du supportable, si empreinte de déterminisme et si fragile aussi, dés qu'on la questionne d'un peu près. Peindre revenait alors à tenter de déposer ce qui résulte de ce mélange là, cette irruption de la trame mémorielle sous le désir, de ce qui ne se dit pas, faute de mots ou de moyens. Pour connaître, face à face, dans l'intimité de l'atelier.
Et puis, tandis que je m'épuisais dans des projets portés par des institutions insanes, la notion de perte puis de fin, d'achèvement de soi jusqu'à la disparition, s'installait. Brûler tout ce qui consistait le soi connu. Et le laisser pour presque mort. Recueillir les dépouilles comme on renarde sur un champ de bataille abandonné, vide de sens. Et il subsiste peu de choses quand tout a été consumé dans une sauvage obstination, comme dans un procès fait à soi même et repris par d'autres qui n'en savent rien mais qui goûtent la charogne.
Or je constatais que tout n'était pas fini. La pulsion de vie exige de réparer le corps, l'esprit et de recouvrer une parole. Mais à partir de quel matériau ? C'est là que la mémoire intervient dans son empreinte voire son emprise. Faut-il recommencer, répéter ? Mais alors n'est-ce pas reprendre ce parcours de destruction ? Que dois-je laisser à la poussière, que dois-je glaner pour reprendre une route oubliée, si tant est qu'elle ait croisé la mienne. Décomposer n'est pas nécessairement suivi d'une recomposition construite. Mais alors quels nouveaux éléments chercher ? Ou laisser venir à soi, par transparences et dévoilements ?
"Renaissances" parle de ce moment là, produit à partir de ce qui est connu et de ce qui demande à revivre, mais aussi de ce qui n'a pas été émancipé de l'ignorance dans laquelle je me tenais alors. Rien d'établi sinon le travail. Une voie lente, sur un bas côté instable en bordure de route et aux franges du fossé, qui demande un pied souple et léger, à l'air libre.
https://lasmaf.squarespace.com/portfolio/#/renaissances/