Au prétexte d’adaptation à la mondialisation et maintenant au digital, les injonctions au changement forcé se multiplient, font peser sur les organisations des pressions parfois insupportables et s’avèrent, le plus souvent, contre-productives. Restructurations, fusions-acquisitions, redressements et autres retournements d’entreprises bouleversent les identités au travail et mettent à mal la motivation des personnes. Et cela peut s’expliquer.
Les approches de la conduite du changement convergent toutes sur le même prérequis : la mise en danger individuelle et collective. Ce changement par la peur est alors propice aux dérives les plus autoritaires, tant il est centré sur la figure du chef et ses affidés. Le changement est ainsi vécu comme un diktat, qui suscite alors toutes les résistances, des plus déclarées aux plus sournoises sinon passives.
Or, quand on sonne l’alarme, on devient et c’est logique, sourd à toute opinion, sentiment ou avis contraire. C’est le temps de l’urgence, du piétinement des autres, du chacun pour soi. Il est parfois sidérant de constater que les mêmes dirigeants qui ont ignoré tous les signaux du danger dont leurs subordonnés et consultants les ont informés depuis des mois se précipitent toutes sirènes hurlantes vers la sortie en préparant Plans Sociaux d’Entreprise sur l’air du « je vous l’avais bien dit ». Ce changement est-il soutenable ? Oui, jusqu’au suivant. Et, au rythme des organisations contemporaines, cela peut vouloir dire deux ans plus tard. Comme si la décision de changer devait être de l’ordre de la fatalité brutale.
Et pourtant. Que de richesses dans les entreprises ! Des personnes investies sinon dévouées, qui compensent les pesanteurs bureaucratiques par une astuce au quotidien. Des personnes qui, en vingt ans, se sont adaptées à la bureautique, aux machines à commande numérique, au flux tendus, au yield management, à l'Euro, aux réseaux sociaux, au commerce sur internet, au low cost, au temps partiel et au chômage de masse.
La question n’est donc pas de savoir si l’on doit transformer ou non une organisation pour la relancer dans le flux des échanges économiques mais comment et avec qui. Comment ? En faisant appel à l’intelligence des parties prenantes et au premier plan les salariés. Avec Qui ? Mais avec tous, pardi !
La désaffection ou le désengagement des salariés constatés ici et là masquent une réalité bien plus prosaïque : ils ne voient plus quelle est leur influence sur le cours des choses et les horizons radieux sont devenus lointains, si lointains qu’ils en soupçonnent jusqu’à l’existence.
Nous pensons qu’il faut quitter cette situation d’aliénation, cette coupure entre le travail et la personne, qui établit désormais que l’individu ne se reconnaît plus dans ce qu’il fait ou pourrait faire. Et cela d'autant plus que les défis dits de la Transition l'exigent. Car ce n'est pas le travail qui manque, mais l'emploi ancien. Reste à en inventer de nouvelles formes, de nouveaux cadres.
Nous proposons donc de faire ensemble. De faire œuvre commune. De produire à plusieurs quelque chose qui ait un sens pour ceux qui l’ont produit. De reconnaître la valeur des personnes qui font, la qualité de leur savoir faire, l’énergie de leurs coopérations, le talent de leur expression dans le travail. Faire œuvre commune. Dans l’entreprise, dans l’administration, dans la collectivité.
Après, il sera toujours temps de recenser les compétences et les connaissances mobilisées, pour les améliorer ou les développer dans le projet. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : le projet d’entreprendre. Ensemble. De le réfléchir sur de nouvelles bases, ensemble. Et alors le partager. Ce n’est alors plus de la communication, c’est simplement de la relation sur des valeurs construites par l’exemple.
La transformation comme le changement sont des thèmes délicats à aborder aujourd’hui. Car ces processus sont subis plus qu’ils ne sont désirés. Nous pensons qu’il convient d’abord de réveiller le désir d’entreprendre. Autrement dit de produire de la valeur ensemble. Cela demande donc de changer d’approche sinon de méthode. Réapprendre à faire œuvre commune, en somme.