Est-ce que ma ville a une tête de "smart city" ? Au delà de la plaisanterie, il est permis de se poser cette question, là où nous vivons, habitons et travaillons. Si nous ne voulons pas que la cité devienne la propriété numérique de quelques uns, il est plus que temps de s'approprier l'espace du bien commun sous la forme d'une intelligence collective, connectée et partagée.
Chaque opérateur spécialisé, que ce soit en eau, gaz, électricité, télécom, transports, déchets ou autre fonction urbaine, dispose de données qu'il stocke depuis le début de ses services et qu'il a depuis numérisées. Cet agrégat hétérogène, ce fameux "Big Data" urbain, constitue un trésor immatériel que viennent contester les grands du numérique, les "pure players" comme Google ou d'autres compilateurs de métier. Plusieurs enjeux croisent les intérêts de chaque partie prenante : un enjeu industriel, capitalistique et technique tout d'abord, car recueillir et traiter des données en masse demande une certaine organisation et de lourds investissements. Un enjeu commercial et juridique ensuite, parce qu'il convient de définir la nature de ce que l'on compte revendre et son statut au regard de la propriété individuelle et industrielle. A qui appartiennent les informations relatives à la consommation personnelle d'eau et l'historique des déplacements par les transports en commun ou au moyen de son véhicule connecté ? A la personne, à la communauté urbaine, à l'opérateur numérique, au prestataire de services ? Enfin, qui définit les services numériques créés à partir de ces masses de données ? Les usagers, la ville commanditaire, l'opérateur ? Les premiers constats montrent que la transformation des centres villes en centres commerciaux s'augmente déjà d'un "mall for all" digital omniscient, statisticien de nos goûts, de nos achats et de nos rencontres. Dans la ville libérale néocapitaliste, chacun est invité à être entrepreneur de soi et consommateurs de tous, "uberisation" en cours oblige, à être "prosumer ". Or aujourd'hui fleurissent des espaces dits de "co-innovation" et d"innovation ouverte" au cœur des métropoles engagées dans ce processus : qui invente quoi pour qui comment et pour quel partage de résultat, intellectuel, matériel et financier ? Une bataille selon les règles asymétriques des transactions webisées se déroule à l'ombre des gratte-ciels : tout le monde vend, achète, produit de la donnée traitée et globalisée à l'échelle de la métropole numérique étendue. mais dites-moi pour quel mutuel bénéfice, "prosumer" citizen X ? Si le contingentement contrôlé des activités est révolu, quelle régulation collective ? Le marché globalisé sans maître, évacuant à ses confins ou parfois en son centre des populations dans des zones d'exclusions numérique, relève ainsi d'une fiction cyber-punk devenue réalité. Les urbanistes dessinaient des places pour le marché certes, mais pas seulement, aussi pour le théâtre, le défilé, la réunion publique, la flânerie, la détente entre amis et la rencontre amoureuse. A une époque où les villes tentent de reprendre le contrôle du bien commun à commencer par l'eau en régie, il convient de vite remettre au milieu du village global la question de la citoyenneté numérique. Qu'en pensez-vous, citoyen X ?
http://openinnovation-engie.com/fr/innovationweek/conference-smart-cities/884