Voilà ce que j'écrivais à mi-parcours d'une œuvre picturale au long cours. Achevée depuis, elle attend d'être montrée sous forme d'installation.
(archive)
Par Renaud Gaultier, vendredi 27 juillet 2007 à 15:09 :: la Genèse-en-tête :: #28 :: rss
"J’ai entrepris il y a 8 ans une œuvre picturale pas encore achevée à ce jour. Il s’agit de « la genèse-en-tête », sous-titrée « l’apocalypse en cours ». Elle se présente sous la forme d’une série de 72 panneaux carrés distincts de 1,20 m de côté, tous peints à l’huile sur bois. Peu de gens l’ont vue, mais ceux qui l’ont rencontrée ne sont pas restés indifférents, loin de là. Il m’est souvent demandé de décrire ou d’expliquer ce travail. Or pour moi, quand bien même je vais essayer d’ouvrir les quelques pistes de réflexion qui m’ont guidé jusqu’ici, tout ceci reste très mystérieux.
La genèse en-tête explore en effet simultanément plusieurs questions qui me tiennent à cœur. Par exemple : pourquoi créer et ajouter au monde quelque chose dont on suppose qu’il ne s’y trouverait pas déjà ? Qui crée, qui peint ? D’où vient le geste, l’image ? A ces questions je ne sais toujours pas répondre, mais voici ce que déjà je sais de ce travail.
La genèse en tête est une apocalypse en cours.
Un dévoilement, en fait. J’ai commencé de la peindre en 1999, à partir d’intuitions qui me travaillaient depuis 1992. C’est avant tout un parcours dans l’inconnu. La seule chose que je savais au commencement, c’est la règle que je me suis fixée au départ : peindre des huiles sur bois de 1,2mx1,20, pour former une collection de 72 panneaux carrés. Il est évident que ces panneaux ne seront jamais vus tous ensemble ou simultanément, et cela me plait.
Il ne s’agit pas d’un récit de la création au sens narration, mais plutôt de l’expression d’un monde en création qui se dévoile peu à peu à notre vison et notre entendement. Le point de départ est donc aveugle. Seule l’énergie est là, sensible.
La création est un sujet pour mystiques, scientifiques ou spécialistes de la psyché. J’ai voulu passer de l‘autre côté de ces miroirs pour tenter de découvrir ce que j’en savais, moi, de cette œuvre-là, avec pour seuls moyens, quelques couleurs, des supports et du temps. Beaucoup de temps.
J’ai décidé de commencer à mains nues. Comme les premiers hommes.
Aujourd’hui, 40 « genèses » plus tard, j’ai repris les brosses et les couteaux.
Bien des fois, je me suis présenté à l’atelier avec une idée. Je ne l’ai jamais réalisée.
Oui, cette œuvre m’échappe. Et c’est pour cela que je la peins. Cela m’oblige à me dépouiller de mon ego, et je recherche cette nudité. Je ne l’ai évidemment pas trouvée.
Quelquefois, certaines personnes ont ressenti des émotions violentes devant ces peintures, et même de la peur parfois. Peindre, c’est d’abord accepter ce qui vient, c’est aussi exorciser.
Au début, j’ai peint à même le bois, sans apprêt. L’embuage qui en résulte a assourdi les couleurs, donnant parfois des tonalités voilées. Maintenant je travaille sur des fonds blancs. Les harmoniques changent, les couleurs éclatent, même les plus sombres, c’est un long cheminement du regard vers la clarté. Vers une lucidité ?"
Renaud Pascal Gaultier, Juillet 2007.